CONTRÔLE D’ACTIVITÉ OU DE FRAUDE SUSPECTÉE






Dr Marcel GARRIGOU-GRANDCHAMP - 22 décembre 2024


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Les médecins connaissaient les contrôles d’activité de l’assurance maladie dans le cadre de l’art L315-1-IV du code de la sécurité sociale avec sa succession de LR + AR vécue à juste titre comme un « harcèlement » par les professionnels :

 

·     L’annonce du contrôle, et la communication de la liste des patients susceptibles d’être convoqués très supérieure au nombre de convocations effectives,

·   Les demandes itératives de comptes rendus de consultations, d’examens para cliniques (plusieurs centaines, parfois milliers !) sous un délai d’un mois alors qu’aucun texte réglementaire n’impose ce délai,

·      L’annonce des griefs avec la possibilité de solliciter un entretien pour échanger avec le médecin en charge du contrôle  généralement secondé de son supérieur hiérarchique,

·     L’entretien dit « confraternel » dont la date fixe la suite de la procédure ; le médecin peut être accompagné d’un confrère (préférable s’il maîtrise bien la procédure et la spécialité du médecin contrôlé) et/ou d’un avocat,

·      Le CR de cet entretien est adressé au médecin sous 15 jours, et il a 15 jours pour adresser ses remarques,

·      Enfin le directeur de la CPAM dispose de 3 mois pour indiquer les suites qu’il entend donner à ce contrôle : passé ce délai il est réputé avoir renoncé à poursuivre le professionnel de santé (Art D315-3 du code de la sécurité sociale).

 

« Art. D. 315-3 : A l'expiration des délais prévus au second alinéa de l'article D. 315-2 ou, à défaut, à l'expiration du délai d'un mois mentionné à l'article R. 315-1-2, la caisse informe dans un délai de trois mois le professionnel de santé des suites qu'elle envisage de donner aux griefs initialement notifiés. A défaut, la caisse est réputée avoir renoncé à poursuivre le professionnel de santé contrôlé. »

 

La CNAM se revendiquent « d’une charte du médecin contrôlé » sauf qu’aucun texte réglementaire la contraint à la respecter ! Le document date de 12 ans (16 mars 2012) et comporte encore le logo du RSI alors que le régime des indépendants a été supprimé et intégré au régime général en 2020 ! Pire la façon dont les patients sont convoqués et interrogés (dans le cadre de ces contrôles (en fait de leur médecin, ce qui ne leur est pas annoncé), ferait sans doute dessaisir de son dossier un juge d’instruction agissant de la sorte lors d’une procédure pénale !

Ce document et ses annexes sont toujours téléchargeables sur le site AMELI au niveau des « textes de référence » :

 

·      Charte du contrôle de l'activité des professionnels de santé par l'Assurance Maladie Document de référence - PDF, 228.25 Ko

·      Charte du contrôle de l'activité des professionnels de santé par l'Assurance Maladie - Annexe n° 1 Document de référence - PDF, 151.94 Ko

·      Charte du contrôle de l'activité des professionnels de santé par l'Assurance Maladie - Annexe n° 2 Document de référence - PDF, 320.52 Ko

·      Charte du contrôle de l'activité des professionnels de santé par l'Assurance Maladie - Annexe n° 3 Document de référence - PDF, 2.59 Mo

·      Voies de recours des professionnels de santé contre les procédures mises en œuvre par les organismes d'assurance maladie Mémo - PDF, 134.53 Ko

 

Mais la tendance actuelle est plutôt d’utiliser une procédure envisageant une fraude potentielle d’emblée instruite par les service dédiés de la caisse (service de lutte contre la fraude au sein du département des affaires juridiques) ce qui permet :

 

·      D’enquêter dans le secret sans en informer le médecin ; parfois l’info leur est donné par des patients convoqués,

·      D’envisager des indus pour des sommes réglées par l’assurance maladie en remontant au delà du délai de 3 ans (Art. L133-4 du code de la sécurité sociale : « …L'action en recouvrement, qui se prescrit par trois ans, sauf en cas de fraude, à compter de la date de paiement de la somme indue, s'ouvre par l'envoi au professionnel ou à l'établissement d'une notification de payer le montant réclamé ou de produire, le cas échéant, leurs observations… »,

·      De mettre la pression sur le professionnel au moment de l’annonce pour l’amener à une transaction rapide en s’affranchissant des contraintes de la réglementation (Art. R133-9-1 du code de la sécurit sociale) : « … Cette mise en demeure comporte la cause, la nature et le montant des sommes demeurant réclamées, la date du ou des versements indus donnant lieu à recouvrement, le motif qui, le cas échéant, a conduit à rejeter totalement ou partiellement les observations présentées ainsi que l'existence du nouveau délai d'un mois imparti, à compter de sa réception, pour s'acquitter des sommes réclamées. Elle mentionne, en outre, l'existence et le montant de la majoration de 10 % appliquée en l'absence de paiement dans ce délai, ainsi que les voies et délais de recours… »

 

Cette transaction dite « amiable », évaluée par approximation sans respect de l’art. R133-9-1 (j’ai déjà observé des montants de plusieurs centaines de milliers d’euros avec des fourchettes haute et basse allant du simple au double !) est présentée comme une indulgence, voire une clémence bienveillante pour le professionnel, l’alternative étant la plainte pénale avec garde à vue à la clé …

Une CPAM étant une autorité constituée, l’art 40 du code de procédure pénale lui impose pourtant de saisir le procureur de la république devant la constatation d’un délit. Il paraît alors choquant de voir proposer à un professionnel de santé suspecté coupable l’absence de recours à la justice contre une transaction financière au bénéfice de l’assurance maladie !